mercredi 25 novembre 2009

Bestiaire indien. 2

Les chiens. Parlons-en puisqu’il faudra bien, à un moment ou un autre, en parler. Les chiens indiens sont pâles, apeurés, il s’allongent à l’ombre pour regarder leurs puces sauter. La vie n’est pas tendre pour eux comme pour les autres. Les chiens soufflent sous le soleil. Leur poil est ras et parsemé de chancres. Ils ont le museau fin du chien des Simpsons, son air discret aussi. Ils aimeraient bien manger mais ils n’osent ni la patte. Ils ont dû oser un jour et s’en sont repentis ; depuis, ils végètent. Ils attendent que la gale ait raison de leur corps. Ils aimeraient attaquer, peut-être, de biais, sans être vus, mais ils n’en ont plus la force. On les piétine. Ils dorment sur des tas de sable, dans le caniveau, les ornières. Ils respirent tout bas, pour ne pas déranger. Ils sont les derniers. 

vendredi 13 novembre 2009

Bestiaire indien. 1

Il y a d’abord les vaches, bien sûr, surtout blanches, parfois tachetées, qui marchent seules, droit devant, sans que l’on sache exactement où elles veulent en venir. Elles se baladent. On les voit souvent ruminer, à défaut d’herbe, les papiers usagés, les bouchons de bouteilles, les peaux de bananes. Elles ne semblent être à personne, on les regarde passer, on les fouette parfois un peu. Elles traversent les villes comme un passant de plus, on ne les remarque pas. Elles dorment à genoux, sur le bitume, la poussière, dans les crevasses, ou peut-être prient-elles, implorant de leurs cornes de ne pas renaître vache, d’être enfin épargnées des mouches.

samedi 7 novembre 2009

La nuit, parfois, je ferme les paupières, en douce, et je vois des billes, noires, et qui brillent. La nuit, je vois des yeux qui me regardent. Des puits profonds, des lances noires, plantées, en nombre, et qui toutes me regardent et me sourient. Des yeux, des yeux, à l’infini, et ronds, et derrière des moustaches, des peaux comme du cuir passé. Des billes, des billes, ici, là, partout.
La nuit, je ne dors pas.